Le souffle chaud et froid de la Fed pourrait renforcer l'or
15 septembre 2022
Pour l'or, la force du dollar éclipse le tumulte géopolitique
Les risques géopolitiques ont poursuivi leur escalade, projetant l'or à un haut mensuel de 1 807 dollars l'once le 10 août, alors que la Chine menait des exercices militaires au-dessus et dans la région de Taiwan. Cette démonstration de force était sans précédent. Dans un éditorial du Wall Street Journal, Hal Brands et Michael Beckley affirment que les nouvelles capacités militaires de la Chine, sur fond d'accalmie de la puissance militaire américaine au milieu des années 2020, offrent à la Chine l'occasion de récupérer Taïwan.1 Selon la RAND Corporation, un an de combats à Taïwan abaisserait le PIB américain de 5 % pour atteindre 10 % et celui de la Chine de 25 % pour atteindre 35 %.2 Les souffrances humaines et les coûts économiques d'une tentative d'unification forcée apparaissent donc prohibitifs. Cependant, une attaque russe de l'Ukraine était aussi jugée improbable par beaucoup…
L'or a suivi une tendance à la baisse pendant les jours restants d'août, atteignant 1 711,04 $ l'once, soit une perte de 54,90 $ (3,1 %). Le 15 août, la Chine a annoncé des ventes au détail, une production industrielle et des taux de chômage inférieurs aux attentes. Cette annonce a provoqué une vente massive de matières premières, dont l'or. L'or a également subi la pression du dollar américain, qui a atteint de nouveaux sommets en vingt ans le 29 août. Le dollar s'est renforcé lorsque le président Powell de la Réserve fédérale américaine (Fed) a signalé que cette dernière s'apprêtait à relever les taux qu'elle pourrait maintenir élevés plus longtemps afin de lutter contre l'inflation.
Les actions aurifères semblent avoir largement intégré la hausse des coûts
Les rapports du deuxième trimestre se sont achevés en août et les conclusions étaient peu reluisantes. Les entreprises ont été affectées par la chute des prix des métaux couplée à la hausse des coûts, d'où des pertes de bénéfices et des révisions des coûts. Les entreprises situent les prévisions des coûts dans la tranche haute ou les ont révisées à la hausse. Nous ne critiquons pas les entreprises car les pressions sur les coûts ne sont pas maîtrisables. En janvier, aucune recommandation ne tenait compte de la guerre en Ukraine. Le carburant, l'énergie et les consommables liés à la pétrochimie, sont parmi les principaux facteurs de coûts. La pénurie de main œuvre, qui est un phénomène mondial, est un autre facteur. Les prévisions initiales de la société prévoyaient une hausse des coûts de 3 % à 6 % en 2022, mais ces estimations ont doublé et les coûts de maintien totaux s'élèvent désormais en moyenne à environ 1 200 $ l'once.3 Les marges restent suffisamment satisfaisantes pour soutenir les politiques de dividendes et de nombreuses entreprises continuent de racheter des actions. L'incertitude concernant la durée de cette hausse des coûts semble être largement prise en compte dans les actions aurifères car l'indice NYSE Arca Gold Miners Index4 (GDMNTR) a inscrit un rendement inférieur à celui de l'or de 15,5 % au second trimestre. En août, le GDMNTR a encore chuté de 8,7 % et l'indice MVIS Global Junior Gold Miners5 (MVGDXJTR) a chuté de 11,7 %.
Loi sur la réduction de l'inflation = Loi sur la hausse de l'inflation ?
L'inflation a ralenti en juillet car l'indice américain des prix à la production6 est revenu à 9,8 %7 et l'indice américain des prix à la consommation8 est revenu à 8,5 %.9 Ce n'est guère une raison de se réjouir mais cela signifie peut-être que le pic est passé. Le Congrès a adopté la Loi sur la réduction de l'inflation. Pas de quoi encore de s'en réjouir car certains éléments de la loi nous amènent à nous demander si elle ne pourrait pas plutôt induire une nouvelle inflation. Le projet de loi augmente les impôts sur les sociétés qui se répercutent généralement sur les consommateurs par une hausse des prix. Le projet de loi finance davantage d'audits de l'IRS, ce qui augmente les coûts de la conformité pour les contribuables. Le projet de loi comporte un certain nombre de crédits et d'avantages en faveur des énergies vertes. En dépit de ses bénéfices pour l'environnement, l'énergie verte coûte plus cher que les combustibles fossiles et accroît la demande de métaux, ce qui maintient une pression haussière sur les prix. En outre, alors que l'administration prétend que la réduction des déficits de la Loi sur la réduction de l'inflation peut faire reculer l'inflation, les quatre derniers projets de loi adoptés par l'administration ainsi que l'allégement de la dette étudiante creuseront fortement le déficit budgétaire.
L'inflation est alimentée par une demande excessive et/ou une pénurie d'approvisionnement. Le Congrès et l'Administration peuvent agir sur l'approvisionnement en permettant aux entreprises de produire des biens et des services à moindre coût par des incitations à investir dans le capital, des capacités et des technologies. Celles-ci comprennent des réductions d'impôts, un allègement de la réglementation, des programmes de formation professionnelle et des politiques d'immigration qui attirent des travailleurs hautement qualifiés. La Loi sur la réduction de l'inflation n'inclut aucune de ces mesures.
La Fed garde l'or sur les rangs.
La Fed peut essayer de maîtriser l'inflation côté demande en augmentant les taux et par un resserrement quantitatif, ce qui ralentit la croissance économique. Cependant, d'après l'expérience des années 70, la lenteur actuelle du resserrement de la Fed pourrait se révéler insuffisante pour ramener le taux d'inflation à 2 %. La hausse des taux par la Fed pourrait aussi se heurter à des limites. Alors que la Fed augmente ses taux, elle doit également augmenter les intérêts qu'elle paie sur les billions de dollars qu'elle détient pour les banques commerciales et autres établissements de crédit. Tandis que le taux cible des fonds fédéraux (actuellement de 2,5 %)10 dépasse les 3 %, les intérêts payés dépassent les bénéfices découlant des actifs de son portefeuille. Dans un récent éditorial du Wall Street Journal, Judy Shelton estime qu'un taux des fonds fédéraux de 3,25 % à 3,5 % coûterait au Trésor 195 milliards de dollars par an pour financer la Fed.11 Pour la Fed, une pression politique accrue peut interrompre la hausse des taux à mesure que les coûts augmentent. De plus, lors de la récente conférence de Jackson Hole, Jerome Powell a déclaré : « Bien que des taux d'intérêt plus élevés, une croissance plus lente et des conditions plus vulnérables sur le marché du travail réduiront l'inflation, ils seront aussi difficiles à tenir pour les ménages et les entreprises ». La Fed abandonnera-t-elle sa lutte contre l'inflation si le « poids » ressenti devient insupportable ?
L'an dernier la Fed jugeait l'inflation « transitoire » et aujourd'hui, M. Powell évoque un problème à long terme. Les marchés sont aujourd'hui plus préoccupés par la hausse des taux que par l'inflation. Nous pensons que les marchés finiront par perdre patience face au discours de la Fed et constateront que l'inflation est effectivement incontrôlable. Un tel rappel à la réalité profiterait à l'or, et les pressions sur les coûts des mineurs d'or pourraient être plus que compensées par une hausse du cours de l'or.
1 https://www.wsj.com/articles/taiwain-china-invasion-america-navy-military-strategy-11660246588
2 https://www.rand.org/content/dam/rand/pubs/research_reports/RR1100/RR1140/RAND_RR1140.pdf
3 Or et métaux précieux, examen T2/22 : More of the Same – All About Costs. Scotiabank, août 2022 ; Or et métaux précieux, statistiques mensuelles de l'or – Septembre 2022. Scotiabank, septembre 2022.
4 Le NYSE Arca Gold Miners Index (GDMNTR) est un indice modifié pondéré en fonction de la capitalisation boursière, composé de sociétés cotées en bourse dont l’activité principale est l’extraction de l’or.
5 Le MVIS Global Junior Gold Miners Index (MVGDXJTR) est un indice fondé sur des règles, pondéré en fonction de la capitalisation boursière modifiée et ajusté en fonction du flottant, composé d’un univers mondial de sociétés à petite et moyenne capitalisation cotées en bourse qui tirent au moins 50 % de leurs revenus de l’exploitation minière de l’or ou de l’argent, qui détiennent des biens immobiliers susceptibles de générer au moins 50 % des revenus de la société à partir de l’exploitation minière de l’or ou de l’argent lorsqu’ils seront mis en valeur, ou qui investissent principalement dans l’or ou l’argent.
6 L'indice des prix à la production américain (PPI) mesure la variation des prix de vente de la production intérieure américaine au fil du temps et sert généralement de mesure de l'inflation fondée sur les coûts des intrants pour les producteurs.
7 https://www.bls.gov/opub/ted/2022/producer-prices-up-9-8-percent-from-july-2021-to-july-2022.htm
8 L’indice global des prix à la consommation (IPC) des États-Unis est une mesure de la variation moyenne des prix des biens et services payés par les consommateurs urbains entre deux périodes données. Il peut également représenter les habitudes d’achat des consommateurs urbains.
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